Avec “L’amie en bois d’érable”, c’est pour la vie !

Télérama 17/06/2020 Marine Landrot

Une fillette reçoit en cadeau une figurine sculptée dans un bâtonnet de bois. Est-elle plus magique qu’un Playmobil ? Comme tous les jouets, cette poupée kokeshi révèle ce que les enfants cachent en eux. Un très beau conte d’inspiration japonaise, porté par des gros plans féeriques et modernes. Dès 7 ans.

Souvent, on soulève la couverture d’un album comme on ouvre une porte. Mais rarement, sur le seuil, une telle beauté saute au visage. Plus rarement encore, la surprise éblouie que provoque ce jaillissement visuel se renouvelle à chaque lecture. Ce conte japonais suscite tout cela. Par leur réalisme et leur gigantisme, les illustrations étirent le réel jusqu’à en extirper chaque goutte de vie. Même si la poupée de bois, reçue en cadeau par la petite Tomoko, se retrouve dans la bouche d’un chien qui la prend pour un os, ou change de couleur sous un sploutch de sauce tomate quand la fillette dévore ses spaghettis, son pouvoir magique inonde en secret les images. Bien avant que le nouveau jouet n’entre dans la vie de l’enfant, ses ondes bienfaisantes semblent déjà à l’œuvre. Il y a, dans le jardin de Tomoko, qu’elle scrute à la loupe jusqu’à s’en déformer la joue, une présence invisible qui courbe les fleurs vers elle. Attente, rêve : un présent s’annonce, dans tous les sens du terme.

C’est que cette figurine d’érable a pour vocation de circuler de main en main, de défier le temps, comme toutes les poupées kokeshi. Pour cela, elle a appris à s’intégrer au quotidien de ses propriétaires, à accepter leurs faiblesses, voire à les sublimer. Là encore, le dessin de Pascale Moteki rend hommage à ce travail bienfaiteur, avec une attention féérique aux détails des corps humains. Même les défauts de dentition des adultes deviennent des perles précieuses ! Alors quand le drame survient, avec la disparition définitive de la poupée, la tristesse n’est que de passage. Le charme continue d’opérer, et à guider les faits et gestes de l’enfant, soudain capable de fabriquer son propre grigri. Un objet n’a rien d’autre à donner que ce qu’on a déjà en soi, telle est la morale de cette histoire moderne et surnaturelle.

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