« La Ballade de Mulan » : le texte

(suite du poste du 22/09/2020)

À l’origine de l’album « La Ballade de Mulan » illustré par Clémence Pollet, il y a un texte français que j’ai écrit d’après le texte original en chinois classique datant du 4e siècle.

C’est la première fois que ce récit était proposé en France dans le format album. Conformément à l’esprit de HongFei, c’est le souci de donner accès à la qualité littéraire de l’œuvre originale qui a guidé mon travail d’écriture, réalisé ici sans passer par l’adaptation (ajout de personnages ou d’intrigue, altération de structure, etc.).

Il s’agit donc bien d’une traduction. Mais ce qu’elle met en jeu, ce n’est pas seulement deux langues radicalement différentes (chinoise et française) ; elle doit aussi assurer le passage d’une langue classique à une langue moderne. Si j’ai pu accomplir ce travail d’une façon presque « naturelle » pour la version française de « Mulan », les choses ne sont pas allées de soi pour l’édition chinoise de l’album : on ne réécrit pas un texte d’une telle stature patrimoniale sans une justification solide, même si sa compréhension et son appréciation par les Chinois d’aujourd’hui demandent un certain apprentissage.

Dès le début, M. LIU Yang, l’éditeur de Magic Elephant, voulait une version en langue moderne du texte chinois et il m’a demandé de l’écrire. Laissant les « choses » cogiter dans ma tête, j’ai attendu longtemps avant de coucher sur papier les premières lignes (deux semaines avant l’échéance qui m’avait été fixée). J’ai compris tout à coup la raison d’être de cette nouvelle version : la langue classique chinoise est très économe en mots d’articulation ; c’est le lecteur qui les complète implicitement grâce à son apprentissage. Entre les mots, il s’est passé des choses, l’héroïne a connu des états d’âme. Il m’est apparu que comme auteur, je devais exploiter ces interstices, décider quoi dire et comment, afin de créer un récit en phase avec les usages de langue des lecteurs d’aujourd’hui. Ce texte moderne n’emmène pas tant le lecteur vers le texte ancien que directement vers le destin fabuleux de Mulan. Pour les lecteurs d’aujourd’hui, il joue le même rôle que, jadis, le texte ancien auprès de son propre public : sublimer une existence (celle de l’héroïne) par voie de la littérature.

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