HUE ! Colette

Dans cet album destiné aux tout-petits, chaque double-page porte la silhouette d’un animal, de son petit, leur cri et une courte phrase d’accompagnement. Cochon, poules, chats, vaches… Tout un monde animalier se déploie dans un esprit joyeux.

Et la petite Colette, que le titre nous annonce, que fait-elle dans tout ça ? Apparaîtra-t-elle avec sa maman ou son papa ? Et quel bruit fera-t-elle ?

Converser avec le monde. Espiègle, elle nous surprend. On la découvre finalement en plein élan, arrivant seule et poussant un « Miaou » retentissant vers un chaton surpris. Voici Colette démarquée du lot, comme pour annoncer aux tout-petits lecteurs la singularité du mouvement de la vie qui porte l’individu à l’autonomie, à l’altérité et à la communication.

Point d’orgue de l’histoire : le chat vers qui s’élance Colette lui pousse un « Hue ! » fantaisiste, inattendu et comique, manière de dire que, dans ce mouvement de rencontre, c’est plus facile quand on est deux ! Et parce que nous sommes chez les tout-petits, les choses se terminent naturellement dans un ronronnement de bonheur.

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Et la littérature vint aux bébés. Pour faire oeuvre littéraire, il faut au moins deux acteurs : celui qui écrit, et celui qui lit. Toute interaction n’est pas littérature mais il n’y a pas de littérature sans altérité.

En faisant un pas vers le chaton, et en prononçant un « MIAOU » inattendu dans le contexte, la petite Colette s’engage dans une interaction. Mais en réalité, elle fait peut-être déjà plus que cela. Son geste ne reflète-t-il pas la reconnaissance implicite de ce qu’il n’y a pas un unique langage – le sien – dans le monde.

Intégrer, au moment d’une énonciation (de la pensée, d’un sentiment), la façon dont l’énoncé pourrait être reçu par celui qui se tient en face, c’est prendre conscience d’un monde distinct de soi et de la possibilité de le fréquenter, quitte à « emprunter » la langue et parfois jusqu’au regard de l’autre, comme ici dans un « jeu de rôles » ludique et instructif.

Aller dans le monde, guider par son désir de partage et prêt à la rencontre… La mini-aventure de Colette nous rappelle avec fraîcheur l’enjeu de la littérature : elle est ce par quoi nous nous libérons de l’égocentrisme et ce qui nous offre d’infinies possibilités dans l’apprentissage du monde à travers la relation à l’autre.

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