« Tout ce que j’aime » : interview de l’autrice et de l’illustrateur

À l’occasion de la publication de « Tout ce que j’aime », l’autrice Mary Murphy et l’illustrateur Zhu Chengliang ont accepté aimablement de répondre à nos questions.

HongFei : Pourriez-vous nous raconter l’origine de cette histoire ? Est-elle inspirée d’un enfant de votre entourage ?

Mary Murphy :  Cette histoire m’a été inspirée par un jeu auquel je jouais enfant, et qu’un ami et moi pratiquons encore parfois lors de longs voyages ! Vous choisissez quelque chose que vous aimez et continuez à chercher autre chose que vous aimez encore plus, tout comme la fillette du livre. Pour moi, ce jeu est comme un vecteur pour se connaître mieux soi-même, une manière de créer une certaine confiance en soi et de nous aider à avoir moins peur face à la vie.

Dans le livre, j’ai choisi un large éventail de choses que l’enfant aime, des aliments aux jouets en passant par les personnes et les lieux. Et je voulais aussi que chacune de ces choses change, à sa manière – que ce soit par rapport à l’enfant elle-même, ou parce qu’elle se transforme ou s’use littéralement. Je pense que les gens qui savent anticiper et faire face au changement ont un avantage sur ceux qui le craignent.

HF : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez découvert les illustrations de M. Zhu pour cette histoire ? Est-elle différente de celles de vos autres livres ?

MM : J’ai été ravie que M. Zhu ait accepté d’illustrer ce texte. J’étais déjà une grande fan ! Cette collaboration m’a amenée à regarder mon texte comme une histoire d’immigrants : j’imagine que passer d’une culture à une autre est vécu comme un chamboulement innommable par une petite fille. En dehors de cela, je n’ai pas donné de suggestions pour l’illustration ; je savais que M. Zhu trouverait de merveilleuses solutions sans ma contribution. C’était excitant d’attendre de voir quelle magie il produirait. Le fait que la fillette du livre ait été créée d’après sa petite-fille est absolument lumineux pour moi. Je pense que cela nous permet à tous d’avoir une relation chaleureuse avec elle. 

J’ai écrit ce texte sans l’imaginer comme un livre, car je savais que je ne pourrais pas l’illustrer moi-même comme à mon habitude (mon style d’illustration convient aux enfants plus jeunes). Entre l’émerveillement de voir mon texte prendre place dans un album, et celui de découvrir les dessins de M. Zhu, ce livre est certainement une expérience unique pour moi – c’est comme s’il avait surgi par magie !

HF : Les moments fugitifs occupent une place centrale dans ce récit. Selon vous, les changements peuvent-ils être vécus positivement dans le monde d’aujourd’hui ?

MM : Certainement. Cette fillette est consciente d’elle-même et connaît ses propres valeurs. Elle est consciente de sa vie et apprécie certaines impermanences, comme celles de la rivière qui coule et de l’arbre qui croît ; elle ne s’inquiète pas des changements comme les gens qui quittent sa rue ou l’usure de ses chaussures. Derrière tout cela se noue sa relation profonde et forte avec sa mère et c’est ce qui permet aux autres changements d’intervenir dans sa vie sans susciter d’anxiété chez elle.

La vie des enfants change tous les jours ; c’est un sujet important pour eux. Enfant, je n’étais pas à l’aise avec cela, même avec de petits changements comme ma mère se faisant couper les cheveux ou bougeant un canapé de place. Aujourd’hui, je suis heureuse de pouvoir regarder certains changements comme des opportunités ou des célébrations, telle la réalisation de ce livre.


HongFei : quelle a été votre réaction lorsque vous avez lu pour la première fois ce texte de Mary Murphy ? 

Zhu Chengliang : j’ai d’abord perçu le fait que l’histoire pouvait toucher les lecteurs de cultures et de pays différents. Elle est universelle.

HF : La fillette dans cette histoire vit ailleurs qu’en Chine. Est-ce que ça vous a fait travailler différemment de vos projets précédents ? 

ZCL : Il est vrai que la fillette vit dans un milieu qui ne m’est pas familier, mais qui m’attire aussi pour cette raison. Cela m’a incité à découvrir un autre univers et ce travail a marqué une avancée par rapport à ce que j’ai fait auparavant.

HF : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant vos échanges avec l’éditrice (et l’autrice éventuellement) pendant le projet ? 

ZCL : Pour l’héroïne de l’histoire, j’avais d’abord dessiné une enfant noire, puis une enfant blanche. Je pensais alors créer des scènes inédites pour moi. Mais l’éditrice n’a pas été convaincue. Selon elle, je suis Chinois et ce sont les enfants chinois que je connais le mieux. Elle m’a donc conseillé de dessiner une fillette chinoise. Elle n’avait pas tort. Puis, pour la maison de la fillette, je voulais représenter dans l’album un cottage avec un toit de chaume, comme on en voit dans le sud de l’Angleterre. Il y a quelques années, j’ai passé une nuit dans une de ces maisons et garde un souvenir ému de ce moment féérique. Mais l’éditrice m’a gentiment fait remarquer que ces maisons, souvent classées au « patrimoine national », ne sont pas habitées par des familles ordinaires telle celle de c livre. Je pensais pour une fois pouvoir dessiner une jolie maison anglaise dans un album, mais c’est raté (rire).