Sara et le poète chinois – épisode 2

Le monde est maintenant visible dans ton corps. Octavio Paz

su dongpo,sara,poésie,fermierIl arrive quelquefois à l’éditeur d’albums jeunesse qu’à la lecture d’un texte, un nom d’illustrateur s’impose à lui. Ce fut le cas pour nous lorsqu’à chacune de nos lectures du magnifique texte de SU Dongpo, Un bon fermier, le nom et les images de SARA nous revinrent résolument à l’esprit. Dès lors, dans un étonnant aller-retour imaginaire, nous accordions les univers de ces deux êtres là. La langue du poète, sa beauté simple, infiniment concrète, efficiente, faisaient déjà bruisser les papiers à déchirer que Sara choisirait. De leur côté, les livres de l’artiste et les thèmes qu’elle chérit – la fragilité de la nature humaine, la force de l’expérience humaine, l’attention au monde, le temps… – semblaient déjà donner au poème un corps qui rendrait visible le monde qu’il portait en lui.

Notre satisfaction et notre plaisir furent donc grands lorsque Sara accepta effectivement d’illustrer le texte. Notre bonheur fut complet aux premières planches qui laissaient voir que l’artiste marchait à sa manière dans les pas du lettré chinois et que ses traces, loin de recouvrir celles anciennes de SU Dongpo, leur offraient une grâce nouvelle et permettraient qu’ici, en France, on les suivrait aussi.

Pour nous, l’accord entre SU Dongpo et Sara est parfait. Mieux, l’accord entre la poésie chinoise et Sara opère incroyablement sur le regard et les émotions. C’est au point qu’on aimerait dire de Sara qu’elle est très… chinoise ! Bannissant le superflu, ses images prêtent à l’évidence une robe invisible – à quoi bon montrer ce qu’on sait déjà – et rendent à l’implicite sa forme… incertaine. De ce point de vue, les contours des papiers déchirés de l’artiste jouent à merveille le jeu de la réalité inconstante chère aux lettrés chinois, tandis que les figures ainsi dessinées manifestent avec force l’expression de la sagesse dont la poésie de SU Dongpo est l’une des plus célèbres manifestations dans la littérature chinoise1.

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Mais plus légèrement et au-delà de ces considérations, Sara a fait – et nous a fait faire – au fil de son travail sur le texte de SU Dongpo, une drôle de découverte !

su dongpo,sara,poésie,fermier« Finalement les chinois et nous, on a un truc en commun : dans le temps, on avait la même technique pour faire pousser le blé. La preuve ? Vous la trouverez dans mon prochain album Un bon fermier, illustrations sur un poète du 11e siècle, SU Dongpo. »

C’est avec cette formule en forme d’énigme que Sara annonçait il y a quelques jours, sur Facebook, la prochaine parution d’Un bon fermier. Loin de nous l’idée de lever le voile qu’elle jetait là sur une partie du livre… d’autant que ce teasing là nous amuse beaucoup !

Disons juste que face à un texte, Sara le fréquente jusqu’à l’apprivoiser absolument. Or, dans son approchement du poème de SU Dongpo, l’illustratrice a levé un loup ! En effet, le fermier du texte semblait mettre en œuvre une technique bien curieuse pour assurer la bonne levée de son blé. N’y tenant pas de n’y rien comprendre, Sara se lança sur la piste – et nous emmena avec elle ! Et tandis que nous poussions l’enquête vers un agronome chinois de notre connaissance, l’artiste interrogeait un agriculteur de la sienne. Les explications sont venues de là et grande fut notre surprise d’apprendre par notre enquêtrice, non seulement le fin mot de cette technique mais aussi qu’elle eût court ici en son temps. Mieux, comme un écho très direct, certaines pratiques actuelles rendent l’hommage de la permanence à l’observation de nos aînés.

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C’était trop beau pour que nous laissions échapper cette manifestation de la modernité du texte et de son universalité. Avec la complicité de Sara, nous avons gardé la trace de ce questionnement et en rendons le résultat dans une « Petite leçon d’agriculture écologique d’hier et d’aujourd’hui » qu’on trouvera à la fin de l’ouvrage.

N’en disons pas plus, ni sur le texte, ni sur les images de Sara. Gageons que leur lecture saura faire briller les yeux du plaisir qu’on en aura.

Nous, chez HongFei Cultures, nous avons la satisfaction d’un beau livre et le bonheur de vous en annoncer d’ores et déjà un autre à venir au printemps. Après Un bon fermier de SU Dongpo, Sara mettra en image un poème de DU Fu (8e s.). Au menu de son papier déchiré : le temps, le désir et l’amitié.

 

1) Jacques PIMPANEAU consacre un chapitre de son livre Chine. Histoire de la littérature aux deux poètes TAO Yuanming (Ve siècle) et SU Dongpo (XIe siècle) dont il dit que leur œuvre représente « une des grandes contributions originales à la poésie chinoise : l’expression de la sagesse. »

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Un bon fermier, SU Dongpo – SARA, éd. HongFei Cultures, 2013

EN LIBRAIRIE le 19 septembre 2013 / pour découvrir le livre, suivez ce LIEN

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Visitez le site de SARA

su dongpo,sara,poésie,fermierÀ noter : Sara fait partie des invités du Festival des illustrateurs de Moulin (26/09 – 06/10). Pendant cette période, les planches originales de plusieurs de ses livres seront exposées à la cathédrale de Moulins.  

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