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Les arbres de la forêt sont des géants qui tendent leurs grands bras. Ils forment une cathédrale de bois et de feuilles qui filtre la lumière et les bruits. Un vent passe, les feuilles se mettent à vibrer. Au loin, le bruit de la mer se fait entendre, tout comme le papier noir que Catherine Louis pose sous un calque émerge du silence du fond blanc, se déclinant en des nuances de gris mouvantes.
Shu crée des vaguelettes en faisant des ricochets. Elle et Grand Frère, deux amoureux, donnent naissance à une bulle de complicité qui les enveloppe. Dans l’imaginaire de Petit Frère esseulé, le ciel devint comme une grande page blanche traversé par les oiseaux pareils à autant de signes. Maintenant, il peut écrire. Et laisser émerger une histoire à travers un flot de mots-images, comme Marie Sellier sait si bien les faire naître.
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Sous une forme sensible à la portée des enfants, ce joli récit me rappelle une fable philosophique de Zhuangzi 莊子 (369-286 av. J.-C.), où il est aussi question de transformation et de la terre vue par un oiseau géant qui plane au firmament. Dans les deux textes, l’imagination nous porte loin et nous fait voir, d’un œil nouveau, ce qu’on croyait connaître. C’est ce qu’on appelle la poésie.
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Je conserve dans un coin de mon souvenir la scène où, à l’école maternelle, j’ai tenu un crayon et écrit pour la première fois : il s’agissait de trois signes chinois 葉俊良 à copier. Ils me fascinaient avec leur structure graphique qui s’inscrivait chacune dans une case. Instantanément, j’ai pris conscience de leur lien avec le monde réel : ils représentent la personne qui tenait le crayon : moi (c’était les trois caractères formant mon nom et mon prénom).
Mes amis en France ont du mal à imaginer un enfant apprendre des milliers de signe en les « copiant » pendant des années. Comme si, ce faisant, il ne pensait à rien, ne sentait rien et ne s’exprimait pas en attendant la fin de son apprentissage. C’est évidemment faux. Chaque nouveau signe qu’on apprend à tracer est une émergence à laquelle on participe, une occasion d’actualiser son rapport au monde et sa capacité de le lire et de le dire.
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