Récemment, j’ai eu l’occasion de partager la table d’une écrivaine-voyageuse. Pendant le repas, son récit des pays visités épata les convives qui ne pouvaient placer un mot sur les lieux, les coutumes et les parfums qu’elle décrivait parce que, souvent, ils ne les connaissaient pas. Elle nous parla aussi de ce qu’elle vit en Chine. De ce qu’elle vit, une part limitée de cet immense pays, elle fit une généralité, faisant abstraction de ce qu’elle ne vit pas, de ce qui ne lui fut pas immédiatement visible, avec une suffisance déconcertante.
Le monde n’est pas à un paradoxe près : lorsqu’un « voyageur » est tenté de collecter, auprès des populations « exotiques », des scènes qui vérifient ses préjugés, il ne peut qu’enfermer dans encore plus de clichés ceux à qui il rapporte son « témoignage », au lieu de leur faire voir de nouveaux horizons.
La multiplication des contacts – à travers déplacements et internet – ne garantit guère une meilleure compréhension de l’Autre. Car l’origine de cette optique faussée est dans notre regard, dans ce que nous cherchons à voir. Pour les missionnaires européens du 16e siècle, les Chinois formaient un peuple qui n’avait pas eu la chance de connaître la foi chrétienne. Pour les négociants et militaires anglais du 19e siècle et leurs alliés américains et français, les Chinois étaient une proie facile avec des richesses à piller. Pour les Français du 21e siècle, que dire d’un Chinois, des Chinois ?
Rien, bien sûr, ne nous oblige à connaître les Chinois ; nous nous posons néanmoins cette question, car à travers le regard que nous portons sur l’Autre, nous pouvons mieux nous connaître.
Images extraites de l’album Le Duc aime le Dragon, illustré par Valérie Dumas.
En effet, pourquoi voyager, si c’est pour éviter d’être surpris ? Et Pourquoi partir si loin alors qu’on semble tout savoir sur tout ? Merci pour cet article qui a le mérite de redonner au voyage et à la rencontre de l’autre ses véritables lettres de noblesse.