Tino, je m’en souviens…

Les lecteurs de Voyages dans mon jardin signé par Nicolas Jolivot se souviennent probablement encore de leur émotion en découvrant le livre et son double rythme, celui des saisons déclinées au fil de douze mois et parallèlement la chronique de l’histoire du jardin depuis deux siècles. Cet automne, l’auteur nous embarque, toujours dans son jardin, mais pour une nouvelle aventure centrée, cette fois, sur quelques-uns de ses habitants, un merle nommé Tino et sa petite famille, et racontée sur le temps d’une année scandée par les deux solstices d’été et d’hiver. 

Tino le merle figurait déjà dans Voyages dans mon jardin. Il portait beau mais il était encore comme un personnage qu’on croise, sans aucune idée de la place qu’il prendra finalement un peu plus tard dans notre vie. La lecture de Tino, un merle au jardin ravivera, chez ceux qui ont lu le précédent ouvrage, le goût savoureux de la fréquentation et de l’apprivoisement cher au renard lorsqu’il en parle au Petit Prince.

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En entrant dans la vie d’un merle, oubliant la course permanente aux richesses et à la reconnaissance si souvent caractéristique de la société humaine, l’auteur paraît reprendre pour son compte la simplicité apparente de l’entreprise que mène l’oiseau dans sa vie quotidienne toute entière orientée vers un but déterminé : bâtir un nid avec sa compagne et y protéger, nourrir et éduquer sa progéniture. Toute l’énergie de l’oiseau semble confluer vers la réalisation de cette ultime finalité, mis à part quelques moments de détente lors d’un bain ou à l’occasion d’un chant qui semble n’exister parfois que pour le plaisir. Dans un monde où la capacité de notre attention est en crise pour cause de sur-sollicitation, cette concentration des intentions du merle, comme celle de Nicolas lorsqu’il vit avec lui pendant une année, l’observe, l’approche, le fréquente, est de nature à redonner le goût du bonheur aux lecteurs.

Comme la vie de Tino n’est pas un long fleuve tranquille, il lui est arrivé de voir son projet contrarié. Il s’est alors bientôt repris sans déploration, avec courage pour entrer à nouveau dans un mouvement vital et inéluctable. C’est paradoxalement ce qu’a aussi connu Nicolas Jolivot au cours de la réalisation de son ouvrage, lorsque qu’est arrivé le jour où l’âge – ou peut-être était-ce la maladie – a emporté le dernier souffle de l’oiseau auquel il se trouvait attaché comme à un ami.

Tino, un merle au jardin est un livre plein de douceur, une invitation à un retour à l’attention portée à notre environnement naturel, un hymne à la résilience, une prise de conscience de notre propre fragilité et de notre finitude, une conscience définitivement libératrice.

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Tino, un merle au jardin. Texte, illustrations et mise en page par Nicolas Jolivot, éd. HongFei 2024.