Voici une des questions les plus fréquemment posées aux éditeurs de HongFei Cultures sur les salons : « Ce sont des contes traditionnels que vous publiez ? »
En effet, l’expression « conte traditionnel » évoque, dans l’esprit de beaucoup de lecteurs, la double idée de l’authenticité et de la permanence. Si un conte est répété de génération en génération, c’est la preuve qu’il correspond à la conscience ou au génie collectif d’un peuple, et qu’il est donc « fiable » lorsqu’on veut acquérir une « connaissance » de la culture ou civilisation de ce peuple.
Certaines des histoires que nous avons publiées possèdent effectivement une structure de narration proche de celle des contes très connus et appréciés en Occident (situation initiale – crise – quête – résolution, etc.) Mais, chaque récit que nous publions (qu’il s’apparente ou pas au conte) est présenté d’abord en tant que « texte d’auteur ».
Plusieurs raisons sont à l’origine de ce choix d’éditeur. Contentons-nous d’en évoquer une majeure ici :
Un conte emporte le lecteur dans un monde autre, par un effet d’extravagance fort d’une grosse sagesse comme le signale Elisabeth LEMIRRE dans son avant-propos des Contes du mandarin (éd. Picquier Poche 2007). Or, ce que nous souhaitons partager avec nos lecteurs ne se définit pas comme intrinsèquement « extravagant » ni n’est destiné à porter une morale. Au contraire, les sujets et personnages des récits beaux et profonds, que nous présentons aux lecteurs en France et qui peuvent parfois les troubler, font généralement partie des choses « ordinaires » de la vie d’un Chinois.
C’est le regard et l’art des auteurs, mis en valeur par les éditions HongFei Cultures, qui transforment ces moments de la vie en une œuvre « extraordinaire » à contempler et dont on jouit, les enfants comme les adultes, en France comme en Chine.
Cette démarche nous permet de guider le regard du lecteur vers une création incarnée par le texte. Celui-ci porte en témoignage les pensées et les émotions d’un auteur qui, une fois son acte de création achevé, s’en détache. A la différence d’un conte « agissant sur » l’émotion d’un auditeur par l’intrigue et les effets de la narration, le lecteur est ici invité à « faire un pas vers » le texte et à le reconnaître comme le lieu de résonnance d’une émotion vécue. C’est ce qu’on appelle une « empathie » – être capable d’émotion pour l’émotion d’un autre.
L’une de nos plus grandes satisfactions, depuis la création des éditions HongFei Cultures, est de constater dans les écoles, les bibliothèques et sur les salons que les enfants ne s’intéressent pas uniquement aux intrigues des contes. Ils sont tout à fait capables et désireux de faire ce pas vers un texte pourvu qu’il propose de partager une expérience sensible.
Publier pour les jeunes lecteurs des textes d’auteur est une manière d’accompagner les enfants dans le développement d’une sensibilité aux mots justes. Peut-être que, marchant sur les pas des auteurs, ils parviendront à leur tour à « verbaliser » une expérience avec justesse et élégance, pour eux-mêmes et pour les autres. Dans tous les cas, il nous semble que c’est aller plus loin dans l’exploration de ce monde.
Voici pourquoi HongFei Cultures propose une expérience de récits d’auteur chinois, classiques ou contemporains, un peu plus rarement rencontrée en France jusqu’ici que celle des contes dits « populaires » et/ou « traditionnels » très présents dans la production éditoriale de livres pour la jeunesse.
Image extraite de l’album « Homme-Requin », illustré par Gaëlle Duhazé. Le texte de SHEN Qifeng fut publié en 1792, alors que l’ouvrage « A la recherche des esprits » par Gan Bao au 4e siècle donna déjà un portrait du héros de l’histoire.