Les littérature et langue chinoises

4.jpgSoyons clairs : il est impossible de présenter une tradition littéraire plurimillénaire dans un article qui se lit en cinq minutes. Je renvoie volontiers les lecteurs curieux à un ouvrage de référence Anthologie de la littérature chinoise classique par Jacques Pimpaneau (éd. Philippe Picquier 2004) qui se lit comme un roman passionnant.

 

Le lecteur y trouvera une présentation détaillée de textes et de critiques littéraires, par genre et par période. A la marge de cette présentation, nous invitons le lecteur à prêter attention à un aspect particulier de la création littéraire en Chine, comme on s’intéresse à la structure d’un pinceau, la texture d’un papier ou encore les gestes d’un peintre lorsqu’on étudie et apprécie la peinture chinoise.

 

La littérature chinoise renvoie à l’ensemble des textes littéraires exprimés en langue chinoise, laquelle est radicalement différente de celles connues et pratiquées en Occident. Elle se reconnaît par les caractères (ou groupes de caractères) pris dans un jeu combinatoire riche en potentiel poétique. Sa grammaire est lâche : il est fréquent qu’un même mot s’emploie ici comme un nom, là un verbe, et ailleurs comme un adjectif.

 

Comment les textes naissent-ils dans cette tradition littéraire ? Par la lecture des œuvres majeures forgeant le regard et la sensibilité d’un auteur qui utilise alors cette langue pour porter une expression inédite tout en se faisant comprendre de ses contemporains. En effet, c’est en puisant dans les meilleurs textes, qui restent vivants au-delà des millénaires, qu’un auteur chinois crée son langage pour partager avec ses lecteurs un univers singulier, avec une grande précision et une puissance d’émotion.

 

Même si vous ne pratiquez pas la langue chinoise, il est tout à fait possible de vous faire une idée du lien étroit entre le renouvellement perpétuel d’une langue ancestrale, d’une part, et l’existence pérenne d’une tradition littéraire dans le monde moderne, d’autre part. Aidons-nous pour cela d’un texte extrêmement limpide et éclairant de Charles Baudelaire, dans lequel il décrit la maîtrise par un jeune Anglais (Thomas de Quincey, 1785-1859) de ce processus d’actualisation de la langue grecque :

 

De très bonne heure il se distingua par ses aptitudes littéraires, particulièrement par une connaissance prématurée de la langue grecque. A treize ans, il écrivait en grec ; à quinze, il pouvait non seulement composer des vers grecs en mètres lyriques, mais même converser en grec abondamment et sans embarras, faculté qu’il devait à une habitude journalière d’improviser en grec une traduction des journaux anglais. La nécessité de trouver dans sa mémoire et son imagination une foule de périphrases pour exprimer par une langue morte des idées et des images absolument modernes, avait créé pour lui un dictionnaire toujours prêt, bien autrement complexe et étendu que celui qui résulte de la vulgaire patience des thèmes purement littéraires.

 

Les Paradis artificiels, part II « Un mangeur d’opium ».

 

  

Image extraite de l’album Tigre le Dévoué (éd. HongFei Cultures 2009) illustré par Agata KAWA. Parmi les quatorze planches du livre, celle-ci accompagne le passage surligné du texte chinois de SHEN Qifeng reproduit ci-dessous. 

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