Un jour, dans une Chine ancestrale, des brigands attaquent et pillent un village. La petite Mengmeng qui vit là s’enfuit dans la forêt. Victime d’une chute, elle se réveille dans un monastère qui n’est rien d’autre que… Shaolin ! Ici, on pratique le Kung-fu. Un garçon du monastère nommé Kun-Yi accompagne Mengmeng dans sa convalescence ; il l’initiera aussi à cet art martial basé sur l’observation de la nature et des animaux.
Après la publication du Héros (HongFei, 2015), nous avons souhaité offrir aux enfants en France une autre histoire sur un sujet populaire parmi les Chinois, en nous appuyant sur l’art de raconter de Pierre Cornuel. L’idée d’un album autour du monastère Shaolin est venue assez rapidement.
De la vivacité des gestes à la saveur d’une vision du monde rendue accessible, Pierre nous invite à découvrir l’univers de Kung-fu, une pratique millénaire peu connue en France. Mais au-delà de la connaissance, la narration de Pierre nous fait toucher du doigt les sentiments d’une enfant qui grandit.
Cette réflexion me renvoie à un spectacle vu à Taipei il y a dix ans.
Il s’agit d’une chorégraphie intitulée Révélations Kung-fu, inspirée des mouvements du corps dans les arts martiaux, exécutée par une troupe de jeunes danseurs sur une musique évocatrice de la sérénité bouddhiste. L’oeuvre est composée de neuf versets à thème. Dans la deuxième scène « Sutra », un petit moine se désespère de ne pas bien apprendre le Texte. Dans un excès de colère il rejette son instrument de prière. Un autre moine plus mûr l’aide à revenir à sa douceur et à reprendre confiance. Plus tard, le petit moine fait ses prières en cadence avec ses frères.
Ce passage m’a marqué en ce qu’il semble dévoiler une part d’impensé culturel, aux Français comme aux Chinois. Il est révélateur de la façon dont ceux-ci voient le sens de notre existence : l’affranchissement. Selon cette vision, le propre de l’homme est de s’élever spirituellement. L’apprentissage des règles se conçoit non pas en vue de l’exercice d’une liberté en tant que droit individuel protégé par la loi, mais en contre-poids à la libération de l’esprit tout au long d’une vie.
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Je me rappelle également l’épisode d’un chorégraphe français en visite en Chine pour monter un spectacle avec de jeunes membres d’une troupe de l’opéra de Pékin. Il leur demande d' »exprimer leur personnalité ». Ça a probablement paru étrange et incompréhensible pour les Chinois qui pensent en termes d’affranchissement (processus long qui ne se commande pas de l’extérieur) plutôt que de liberté immédiatement disponible.
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