Le choix des États-Unis, d’hier à aujourd’hui

Après avoir traduit et publié Le son du silence illustré par Julia Kuo, illustratrice américaine d’origine taiwanaise, nous avons repéré, dans sa bibliographie, un album intitulé I am an American : the Wong Kim Ark story. La couverture montre le visage d’un jeune Chinois du 19e siècle sur un fond aux couleurs américaines et portant un nom asiatique totalement inconnu des Français.

À première vue, comme éditeur, on peinerait à percevoir une raison forte de le présenter aux jeunes lecteurs en France. Cependant, notre hésitation n’a pas duré longtemps : cette histoire, bien écrite et illustrée avec talent, nous concerne tous plus qu’on ne le croirait d’abord. 

En effet, ce nom est entré dans la mémoire collective des Américains par le fait de la décision capitale de la Cour suprême « United States v. Wong Kim Ark (1898) ». Qu’a donc fait ce jeune homme pour voir ainsi écrit son nom face à celui du pays en passe de devenir le plus puissant du monde ? 

Kim Ark est né à San Francisco en 1873, de parents chinois immigrés venus en Californie chercher une vie meilleure. Après une crise économique et dans le climat xénophobe qui s’en est suivi, ses parents sont repartis en Chine. Kim Ark, alors adolescent, a compris que le pays de ses parents n’était pas le sien. Lui était américain et son pays c’était l’Amérique. Il revint donc y vivre. Pourtant, quelques années plus tard, lors de son retour d’un voyage à l’étranger, Kim Ark s’est vu refuser l’entrée du territoire américain et la reconnaissance de sa qualité de citoyen. Après deux mois de détention sur un bateau, à l’écart des terres, et des années de procédure juridique, de procès humiliants niant sa nationalité parce qu’on le jugeait culturellement trop différent, l’affaire a été portée au plus haut niveau. Ce 28 mars 1898, ce sont les juges de la cour suprême qui ont décidé que, « parce qu’il est né là, il a sa place là. » Sa victoire a changé le destin de millions d’enfants aux États-Unis depuis cette date jusqu’à aujourd’hui. 

Le texte ciselé de Martha Brockenbrough et Grace Lin, et la mise en scène cinématographique de Julia Kuo, nous transportent sur les lieux et dans les temps où le jeune héros évolua, nous donnant également accès à son intériorité. L’album, qui débute sur une époque où l’exclusion et la ségrégation étaient admises, s’achève sur une vue contemporaine où des enfants d’origines diverses courent joyeusement et dans la même direction, avec en arrière plan le si reconnaissable Golden Gate Bridge de la baie de San Francisco. À la fin de l’album, un point de contextualisation et d’information relatif notamment au droit du sol complète cette histoire individuelle aux conséquences collectives. En termes de droits civiques, et en lien avec ceux dont nous jouissons ici même, en France, de nos jours, cette histoire sensible d’un individu – où la diversité joue un rôle de catalyseur pour nos valeurs cardinales – nous rappelle que nos sociétés démocratiques reviennent de loin. C’est salutaire et rafraichissant.

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Je suis un citoyen américain : Wong Kim Ark aux racines du droit du sol. Texte de Martha Brockenbrough et Grace Lin, illustratré par Julia Kuo. Traduit de l’anglais (américain) par Chun-Liang Yeh. Éd. HongFei 2024